De l’intimidation à l’expression de soi
François Lévesque, 37 ans, a déjà écrit huit romans tour à tour noirs, policiers ou d’épouvante. Son tout dernier s’intitule En attendant Russell
et explore de nouvelles avenues en nous offrant le troublant portrait
d’un garçon victime d’intimidation, qui réussira à sortir des griffes de
son meilleur ami devenu maître ès persécution.
Le personnage principal est Gabriel, qu’on connaît d’abord à l’âge de 6
ans, période où sa mère se suicide et où il devient l’enfant de la
folle, puis à l’âge de 16 ans sur les bancs de «l’enfer scolaire», aux
prises avec les «hyènes estudiantines».
Durant toute son enfance et pendant une bonne partie de son adolescence,
Gabriel «joue une vie qui n’est pas vraiment la sienne; presque, mais
pas vraiment». Le mot «homosexualité» n’est jamais mentionné dans ce
roman, mais il rôde gaiement entre les lignes. Son ami d’enfance aime
jouer avec les poupées de sa sœur, aime faire la princesse endormie «en
insistant pour que Gabriel tienne le rôle de prince charmant dont le
baiser le réveillera».
Tel que mentionné plus tôt, ce meilleur ami devient maître ès
persécution. De copain, Gabriel devient paria, l’amitié se transforme en
inimitié. On assiste, entre autres, à une humiliante scène
d’intimidation dans les toilettes de l’école. Puis surgit Cathy, une
élève «faite de ce bois dans lequel on sculpte les âmes sœurs».
Cathy invite Gabriel à regarder le film La Preuve, de Jocelyn
Moorhouse, dans lequel joue le beau Russel Crowe (qui donne son nom au
titre du roman). Ce petit chef-d’œuvre du cinéma repose sur un scénario
qui transgresse, sur la question de l’homosexualité, toutes les
conventions, tous les clichés. Ce film permet à Gabriel de découvrir que
le désir, l’amour et l’abandon peuvent exister, que lui aussi peut
exister.
François Lévesque aime les phrase courtes et antonymiques comme «Si
chétif jadis, si imposant à présent.» Il aime aussi donné un écho à
certaines phrases en les recopiant mot à mot quelques pages plus loin.
C’est le cas avec ces deux courtes phrases: «son enfance si brièvement
heureuse, si brièvement» et «son enfance si rapidement malheureuse, si
rapidement».
Le roman En attendant Russell est presqu’une nouvelle. Il s’étend sur à
peine cent pages, dont plusieurs sont blanches. Le format du livre est
compact et l’interlignage assez prononcé. Des dizaines et dizaines de
paragraphes ne font pas plus qu’une ligne, parfois seulement deux ou
trois mots.
Si vous avez le goût de lire une histoire dense et finement ciselée qui
joue admirablement bien à la fois sur la tension et l’exaltation, je
vous recommande En attendant Russell.
Le secret de Marie Julia François
Je vous signale aussi le tout premier roman de Lucien Morin: Le secret de Marie Julia François.
L’auteur essaie d’entrecroiser deux trames, l’une historique, l’autre
policière. Pour y arriver il décrit les faits de deux époques sous forme
de journal. On est tantôt dans les années 1940, tantôt dans les années
2010.
À Québec, en 1943, deux femmes sont assassinées d’une balle dans la
tête: une jeune mère qui vient d’accoucher et une religieuse. Le bébé,
un garçon, n’arrête pas de pleurer. Il y a du sang partout et une odeur
de mort qui vous colle à la peau.
On ne connaît même pas le vrai nom de ces deux victimes car leur
passeport est faux. De quelle origine sont-elles? Qui les poursuivait?
Pourquoi se cachaient-elles à Québec?
L’enquête menée par la police de Québec en 1943 ne pointe pas vers un
mobile. Il n’y a pas d’arme à feu, pas de témoins crédibles, pas
d’empreintes digitales d’un possible suspect, pas la moindre trace. La
seule chose évidente sur les lieux de ce double assassinat, ce sont les
deux balles aplaties retirées des cadavres.
La découverte d’un journal intime et d’un livre de comptes, demeurés
cachés dans les murs d’une vieille maison pendant plus de cinquante ans,
incite le fils de la mère assassinée, qui a maintenant 70 ans, à
demander de rouvrir l’enquête.
Le policier affecté à cette tâche estime que «le silence des faits est
plus bavard que tous les mots de tous les dictionnaires réunis.» Selon
lui, la première règle à suivre dans toute enquête pour meurtre, «c’est
de laisser parler et reparler les faits avant même de penser à les
interpréter.» Cela n’empêche pas un personnage de lancer: «Je pense,
donc je flic.»
Loin de moi l’idée de vous dévoiler le dénouement de l’intrigue
policière. Qu’il suffise de dire que nous sommes en présence d’un
suspect intelligent, habile et rusé. Il s’agit d’un homme immoral,
insensible et hypocrite.
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